Ces témoignages résument des propos recueillis auprès des femmes composant la famille Messoudi. Elles ont livré leur perception de leur histoire belgo-marocaine et analysé les défis et enjeux respectifs de chaque génération.
Je suis arrivée en mars 75 à 28 ans. À l’époque, il y avait beaucoup de pauvreté au Maroc. Je vivais et travaillais dans une ferme avec mon papa et ma sœur jumelle. On a dû quitter notre famille, mais j’en ai trouvé une autre en Belgique et tous les gens me traitent bien depuis 46 ans. Au départ, mon mari et moi avions l’intention de retourner au Maroc. Mais maintenant, je veux être enterrée en Belgique.
Habiba & Latifa (1e generation)
Certaines d’entre nous, parmi la 2e génération, sont arrivées plus tard, mais on a toutes beaucoup moins de souvenirs de nos années de vie au Maroc que nos parents, car nous y sommes restées moins longtemps. Mais il reste une attache, une origine. La famille et les ancêtres sont restés là-bas et on passe de bons moments quand on y retourne pour les vacances et qu’on revoit nos proches. Mais on a ensuite hâte de rentrer chez nous, ici, en Belgique, sur notre terre. On se sent plus belge que marocaine.On a été très bien accueillies quand nous sommes arrivées. On invitait nos voisins pour des repas et on recevait aussi de l’aide. Certaines d’entre nous ont subi du racisme anti-marocain déjà à l’époque, par exemple pour louer un appartement. Les Italiens rencontraient moins de problème pour ça. Envers la communauté marocaine, il y avait parfois plus de peur et de préjugés. Mais une fois qu’on apprenait à se connaitre, tout devenait normal. Aujourd’hui, on sent encore davantage de méfiance.Latifa & Khadija (2e generation)
La différence entre notre génération et celles d’avant est qu’elles ont dû tout prouver. Elles ont dû prouver qu’elles voulaient travailler, qu’elles voulaient s’intégrer… Notre génération par contre est née ici et on ne devrait rien avoir à prouver car on se sent belges et intégrées. Mais bizarrement, on est encore parfois perçues comme des étrangères. Alors on force le trait : on sourit tout le temps dans le bus, on ne rate aucune fête d’école, on cherche à avoir un CV plus fort que les autres à cause de notre origine… En fait, on n’a pas droit au faux pas, donc on en fait plus que les autres.Nos parents et grands-parents ont bénéficié de cet accueil parce qu’il y avait du travail et un besoin de main-d’œuvre. Mais pour notre génération, l’ambiance a changé, comme si on devait encore prouver notre plus-value alors qu’on ne va jamais demander à un Belge d’origine italienne de montrer sa plus-value.Pourtant, notre pays c’est la Belgique, et le Maroc est notre origine. Même s’il y a une attache au Maroc, tous nos repères sont ici. Par exemple, nos parents apportaient encore de la nourriture marocaine aux goûters d’école, mais ce n’est plus un truc que notre génération ferait aujourd’hui, et pourtant c’est une richesse. Sans doute qu’on veut éviter le cliché, ou alors on a voulu à un moment éviter d’être réduite uniquement à notre origine marocaine alors qu’en fait nous sommes belges.Hanane, Hajar, Amina, Ihssan, Lola & Mariam (3e generation)
Dès la fin des années 60’, le profil des immigrés marocains en Belgique se diversifie progressivement. Aux retraités militaires et aux petites communautés « d’hommes seuls » s’ajoutent bientôt les épouses et les enfants. Dès 1970, la population marocaine de Belgique (39.294 ressortissants) est composée à 38% de femmes. Sept ans plus tard, ce nombre grimpe à 45% (36.546 sur 80.988 ressortissants marocains). Victime dans leur pays d’adoption d’une triple discrimination de nationalité, de genre et de classe, un groupe de femmes marocaines bruxelloises se crée en 1977 : L’Association des Femmes Marocaines (AFM). L’AFM devient un espace d’échanges, d’entraide et de lutte en faveur de l’amélioration des conditions de vie de la femme marocaine, tant en Belgique qu’au Maroc.
Progressivement, les femmes belgo-marocaines participent à l’activité économique, mais également à la vie politique, sociale et culturelle. Contrairement aux idées convenues, les travailleurs immigrés furent aussi des immigrées. « Certains secteurs industriels et les secteurs des services ont eu recours assez tôt à une main-d’œuvre immigrée féminine. Souvent arrivées dans le cadre du regroupement familial, ces femmes n’en étaient pas moins des travailleuses, notamment dans l’industrie des armes de la région liégeoise et dans le secteur du nettoyage, de la domesticité et de l’aide aux personnes. »[1]
Engagées dans le réseau associatif, elles portent, tant en Belgique qu’au Maroc, de nombreux projets d’émancipation à vocation sociale. Elles ont joué un rôle très important d’intermédiaire entre les familles et les administrations (accès au logement, aide d’urgence, inscriptions scolaires, rapport des jeunes à la police, accès aux papiers…).
Le regroupement familial rajeunit et féminise le profil des Marocains. En 2011, les femmes représentaient 46,1% de la population marocaine de Belgique.
Globalement, le niveau de formation des femmes a augmenté grâce à la scolarisation en Belgique, mais également grâce à l’arrivée d’étudiantes diplômées au Maroc.
[1] Martiniello, M., Rea, A., Une brève histoire de l’immigration en Belgique, décembre 2012, p. 14.
s sont des soldats marocains appartenant à des unités d’infanterie légères (goums). Entraînés et encadrés par l’armée française au Maroc, ils s’illustrent particulièrement sur les champs de bataille d’Europe lors de la Seconde Guerre mondiale. On les reconnaît au tissage de leur costume à bandes verticales.
Comme pour les enfants des ouvriers belges des années ‘60, l’école a été à la fois pour les uns un lieu de promotion sociale, et pour d’autres, celui de la relégation vers les filières les moins valorisées de l’enseignement secondaire.
Parmi les premiers immigrés marocains, une poignée d’étudiants militants est venue pour parachever ses études. Nombre d‘entre eux étaient politisés durant leurs études au lycée ou à l’université au Maroc. Mais le régime marocain voyait ces opposants politiques d’un mauvais œil, jusqu’à organiser une répression violente qu’on nommera « les années de plomb ». Fuyant cette répression, ces étudiants vont jouer un rôle majeur dans la politisation des immigrés marocains en Belgique. En effet, ils se sont constitués assez rapidement en collectif et ils furent à l’initiative des premières associations marocaines en Belgique. Parmi ces groupes, l’Union Nationale des Etudiants Marocains (UNEM) a mobilisé principalement des étudiants mais aussi d’autres publics. Mais c’est surtout le Regroupement Démocratique Marocain (RDM) qui a joué un rôle majeur dans la politisation des immigrés marocains, à travers l’un de ses principaux leaders, Mohamed El Baroudi. Ce dernier devient un personnage central et pionnier dans la structuration communautaire des Marocains de Belgique.
Les Leçons
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