Leçon 3 : La Belgique a besoin de bras (1945 – 1962)

Objectifs

  • Situer l’immigration marocaine dans le 20e siècle
  • Comprendre certaines causes du phénomène migratoire
  • Analyser des documents d’époque / Critique historique
  • Analyser des textes, les mettre en lien et émettre des hypothèses
  • Confronter ses hypothèses
  • Enrichir son vocabulaire

Le texte suivant revient sur l’immigration italienne en Belgique après la Seconde Guerre mondiale. Comme tu vas le constater, les immigrations italienne et marocaine en Belgique sont intimement liées. La lecture de cet extrait te permettra de remplir le graphique ci-dessous.

Vivre en Belgique

Au début du 20e siècle, les Flamands sont nombreux, grâce à l’apparition du train, à rejoindre la Wallonie pour travailler dans les mines. Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, ils vont extraire le charbon en compagnie d’ouvriers d’autres nationalités, polonaise notamment.

La deuxième guerre mondiale (1940-1945) laisse un continent européen ravagé. La misère règne en Italie où le niveau de chômage est très élevé et la situation politique très tendue. De son côté, la Belgique est confrontée à un déficit de charbon énorme qui l’empêche de se reconstruire et de faire fonctionner ses secteurs industriels (la métallurgie, le ciment, les fours à chaux, le textile…).

Dans un premier temps, la Belgique va se tourner vers la mise au travail des prisonniers de guerre allemands. En décembre 1945, 46.000 prisonniers de guerre étaient occupés dans les mines. Deux ans plus tard, les prisonniers de guerre allemands vont devoir être relâchés. Quant aux ouvriers belges, ils vont de plus en plus à contrecœur à la mine et la quittent à la première occasion. La question cruciale est alors de savoir par qui les remplacer.

L’Italie s’avère empressée d’exporter de la main d’œuvre et de s’assurer en échange du charbon indispensable à la reprise de son économie. En juin 1946, un protocole d’accord va donc être signé entre les deux pays. Il prévoit l’envoi de 50.000 travailleurs italiens dans les mines belges en échange du droit à 200kg de charbon par mineur et par jour, payés au prix plein par l’Italie. Très rapidement, les mineurs italiens vont être confrontés à une grande désillusion. Lors de leur voyage en train, ils sont accompagnés de gendarmes, d’hommes de la sûreté de l’État, d’un médecin et de deux ingénieurs des mines. Quant aux conditions de logement, elles seront loin d’être celles attendues.  Ils se retrouveront donc logés dans d’anciens camps construits par les Allemands pour les prisonniers russes travaillant dans les mines. Ces camps étaient composés de baraquements en assez mauvais état pourvu d’un mobilier plus que rudimentaire. Présentées comme provisoires, ces conditions de logement vont en fait se maintenir longtemps.

Le travail dans les mines occasionne de nombreux accidents de travail et à diverses reprises l’Italie suspend l’envoi de nouveaux travailleurs. Mais, c’est après la catastrophe de Marcinelle (8/8/1956) -qui cause la mort de 262 mineurs dont 136 Italiens- que l’Italie suspend l’émigration vers la Belgique.

Elle se tourne alors vers d’autres zones de recrutement et conclut de nouvelles conventions bilatérales, notamment avec l’Espagne (1956) et la Grèce (1957) portant sur 3.400 travailleurs espagnols et 7.800 travailleurs grecs. Puis, ce sera le tour du Maroc et de la Turquie (1964).

Ref : https://www.vivreenbelgique.be/. Suite au travail de réflexion que le CIRÉ a mené en 2006-2007 concernant l’accueil des adultes primo-arrivants en Région de Bruxelles-Capitale et aux recommandations qui s’en sont suivies, il s’est penché plus particulièrement sur la question de l’information pouvant être utile à toute personne vivant en Belgique et, en particulier, à celles arrivées récemment d’un pays tiers. C’est ainsi qu’ont été élaborés, et régulièrement mis à jour, les cahiers thématiques du “Vivre en Belgique”.

Replace les événements historiques aux dates correspondantes dans le tableau ci-dessous :

  • Convention avec l’Espagne
  • Mineurs allemands (prisonniers de guerre)
  • 1ere Guerre mondiale
  • Convention avec le Maroc et la Turquie
  • Mineurs italiens
  • Catastrophe de Marcinelle
  • 2e Guerre mondiale
  • Convention avec la Grèce
  • Mineurs flamands, wallons, polonais et autres

Observe la couverture de ce journal :

  • Quel est le nom du journal ?
  • Quelle est la date de parution de ce journal ?

Lis l'article ci-dessous sur la catastrophe de Marcinelle. Réponds ensuite aux questions.

  • À quelle occasion cet article a-t-il été rédigé ?
  • Que désigne le Bois du Cazier ?
  • Quand et dans quelle région se déroule la catastrophe dite « du Bois du Cazier » ?
  • Durant combien de jours les sauveteurs espèrent-ils sauver des mineurs ?
  • Pourquoi, selon toi, la région de Charleroi est-elle surnommée le « Pays noir » ?
  • Connais-tu d’autres surnoms donnés à des villes belges ou internationales ?
  • Que veut dire cette expression « tutti cadaveri » ?
  • Que signifie concrètement « avec 5 ans de sursis » ?
  • Quel impact la catastrophe du Bois du Cazier a-t-elle eu sur l’histoire de l’immigration marocaine en Belgique ?

« Ce 8 août 1956, les mineurs arrivent comme tous les jours à l’aube pour arracher les pépites de charbon, dont 600 tonnes sortent tous les jours de ce site du “Pays noir”, le surnom donné à la région de Charleroi.

Mais peu après 8 heures, une erreur de manipulation d’un wagonnet va entraîner des incidents en chaîne à l’origine d’un feu qui va rapidement se propager dans toute la mine, où des hommes sont enfouis jusqu’à 1035 mètres sous terre.

Les secours parviennent à sauver quelques vies le jour même et poursuivent leurs efforts pendant deux semaines, au cours desquelles les familles espèrent un miracle. Mais le 23 août, les derniers sauveteurs remontent définitivement à la surface. L’un d’eux prononce alors deux mots qui feront le tour du monde: “Tutti cadaveri”.

Au bout du compte, seuls une dizaine de mineurs auront survécu à la tragédie. Sur les 262 victimes, de douze nationalités différentes, 136 sont italiens. A l’époque, l’Italie, aux termes d’un accord signé dix ans plus tôt avec la Belgique, échange de la main-d’œuvre contre du charbon. En 1956, 47.000 de ses ressortissants travaillent dans les mines du Royaume, constituant à eux seuls plus de 30% des mineurs du pays et plus de 50% de ceux de la région de Charleroi.

Trois ans après la catastrophe, un procès en première instance débouche sur un acquittement général. En appel, une seule peine sera prononcée, celle du directeur des travaux du Bois du Cazier, Adolphe Calicis, condamné à six mois de prison avec 5 ans de sursis. Dans leur arrêt, les juges rappellent que “l’économie, quelle que soit son importance pour le bien général, ne peut prétendre étouffer les autres valeurs, la vie étant le plus grand bien de tous les biens et devant être protégée jusqu’aux limites les plus extrêmes”.

La catastrophe entraînera un renforcement des règles de sécurité minière, en Belgique mais aussi au niveau européen. Elle signera aussi la fin de l’immigration massive des Italiens vers la Belgique et ses mines. Le site du Bois du Cazier a quant à lui fermé ses portes onze ans plus tard, en 1967. Il a depuis été transformé en musée sur le passé charbonnier de la région.

(AFP, 8 août 2006)

En te basant sur les deux textes que tu viens d’analyser, observe le graphique ci-dessous et réponds aux questions en échangeant tes hypothèses avec le reste de la classe. Aide-toi des grandes dates déjà identifiées dans les leçons précédentes.

Evolution du nombre d’immigrés en Belgique (1948-2012)

Source : Registre national - Direction générale Statistique et Information économique

  • Comment interprètes-tu la baisse drastique de la courbe peu après l’année 1956 ?
  • Comment interprètes-tu l’accroissement du nombre d’immigrés entre 1959 et 1964 ?
  • À ton avis, à quoi pourrait-être dû le ralentissement observé lors de la seconde phase, de 1973 à 1982 ? Émets des hypothèses.
  • Quel élément pourrait expliquer que la courbe continue d’augmenter durant la 3e phase ?

Glossaire

Le mot immigration vient du latin immigrare qui signifie « pénétrer dans ». 

Un émigré quitte son pays pour vivre dans un autre.
Un immigré vit dans un pays qui n’est pas son pays d’origine.
Un migrant est une personne qui va d’un pays à un autre, pour des raisons politiques, climatiques, économiques ou autres.

Le terme « réfugié » correspond à un statut défini par le droit international et désigne une personne qui a obtenu l’asile dans un autre pays car elle craint d’être persécutée dans son pays d’origine en raison de sa « race », de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Un réfugié peut aussi fuir son pays pour des raisons liées à la guerre ou au changement climatique.

Un réfugié est donc un migrant, mais un migrant n’obtient pas toujours le statut de réfugié.

Un demandeur d’asile est un migrant qui fait les démarches pour obtenir un statut et des papiers lui permettant de rester dans un pays d’accueil.

Un transmigrant est une personne qui traverse un pays afin d’en rejoindre un autre.

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